By Natacha Emilien Mes parents ont 71 ans. Ils ont toujours été- et le sont encore heureusement- très autonomes, organisés et prévoyants dans leurs affaires. Tellement prévoyants, qu’ils ont toujours cherché à nous préparer “au pire”, mon frère (45 ans) et moi (41 ans). Je me rappelle ainsi de plusieurs occasions, avant une opération de mon père, un “check-up” de santé de ma mère, ou un départ en voyage, où mes parents ont essayé d’avoir une “conversation” avec mon frère et moi, pour nous indiquer la marche à suivre “au cas où” il leur arrivait quelque chose. Sauf que ni mon frère, ni moi, n’avons jamais voulu écouter ce que nos parents avaient à nous dire dans ces moments-là. Peut-être par peur d’attirer le mauvais sort. Ou par crainte de devoir penser à ce qui pourrait arriver si vraiment ce “au cas où” avait lieu. Ou peut-être (en tout cas, me concernant) par lâcheté- je n’ai vraiment jamais été courageuse pour les conversations difficiles, et aborder le sujet de la vieillesse ou de la maladie (ou pire) avec mes parents en était définitivement une. Encore maintenant, rien que d’y penser, ça me donne des frissons. Donc, à chaque fois que mon frère ou moi entendions ces premiers mots “nous avons à vous parler…”, du haut de nos 41 et 45 ans, nous avons à chaque fois préféré esquiver la discussion, et joué à faire l’autruche. Depuis que nous avons lancé Familia, et par besoin de mieux comprendre le cheminement des familles par rapport à la vieillesse ou la maladie d’un proche, je me suis entretenue avec de nombreuses personnes âgées qui s’étaient retrouvées du jour au lendemain confrontées à un changement de vie drastique dû au décès de leur conjoint(e), à un accident grave, ou à une maladie dégénérative. Ce que j’ai découvert, c’est que dans la plupart de ces cas-là, la personne âgée, mais aussi la famille proche et surtout les enfants de cette personne, se retrouvent complètement désemparés, perdus, et à devoir prendre dans l’urgence des décisions majeures sur des questions très difficiles- qui auraient nécessité en temps normal des semaines, voire des mois, de discussion et de reflection en famille. Des questions comme, par exemple, “Où vivra Maman, maintenant que Papa est parti?”, “Qui prendra soin de Grand-Père, vu qu’il n’arrive plus à marcher?”, “Comment prendre en charge les soins de Tante Louise? Nous n’avions pas prévu ce budget!” ou “Comment reprendre les affaires de Papa, qui perd de plus en plus la mémoire?”.
Pourtant, nous, enfants, savons tous qu’un jour ou l’autre nous aurons à nous poser ces questions par rapport à nos parents, alors je me pose la question: pourquoi attendons-nous toujours que le moment fatidique arrive pour y faire face? Pourquoi ne pouvons-nous avoir ces “discussions” avec nos parents, quand ils sont encore vivants et en pleine santé physique et mentale, afin de pouvoir décider ensemble, en famille, de la meilleure démarche à suivre dans de telles situations? Pourquoi esquiver à tout prix ces conversations et préférer faire l’autruche? Pour d’autres choses, au quotidien, nous faisons preuve de beaucoup de prévoyance: nous contribuons à une assurance médicale, au cas où nous ayons un souci de santé, nous prenons un plan de pension, pour quand nous aurons pris notre retraite, nous souscrivons à un plan d’épargne pour un jour pouvoir financer les études de nos enfants… par contre, nous nous refusons à nous préparer pour ce moment où il arrivera quelque chose à nos parents. Comme si, en y pensant pas, en en parlant pas, ce jour n’allait jamais arriver. Les récits des familles que j’ai interrogées regorgent d’histoires terribles d’enfants non préparés et complètement pris au dépourvu, qui se sont vus contraints, suite au décès d’un parent, de confier leur autre parent à une maison de retraite- parfois engendrant un vrai drame familial et humain-, ou qui se sont retrouvés à cumuler un deuxième emploi par force pour financer les soins d’un parent soudainement malade, ou à réaménager en urgence un coin de leur maison pour accueillir un père ou une mère ayant perdu sa mobilité. Avec une meilleure préparation en famille, tout ceci aurait-il pu être évité? Ou au moins certaines souffrances auraient-elles pu être atténuées? Une ou plusieurs “conversations” entre parents et enfants, auraient-elles pu faire la différence, engendrer une reflection et des solutions qui auraient pu aboutir à des situations moins désespérées? Je pense que c’est bien possible. Et même si, de mon côté, encore aujourd’hui, je n’ai pas encore trouvé la force d’adresser LE sujet avec mes parents, je pense qu’il nous faudra bientôt, à mon frère et à moi, et pour le bien de tous, accepter d’avoir cette fameuse discussion de famille… En vous souhaitant sincèrement d’avoir plus de courage que moi.
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March 2022
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