By Natacha Emilien Lorsque j’avais 15 ans- et dans ma tête, c’était il n’y a pas si longtemps- je considérais les personnes de 40–50 ans comme “très très vieilles”… Aujourd’hui, à 41 ans, ça me désole de penser que mes enfants me considèrent déjà comme “une vieille”. Dans le domaine professionnel, je rencontre aussi beaucoup de jeunes qui me vouvoient ou m’appellent “Madame” et mon premier réflexe est toujours de me dire “mais à qui s’adressent-t-ils?” pour réaliser, quelques secondes plus tard, que c’est moi cette “Madame”. Pourquoi est-ce si désagréable pour moi de réaliser que je vieillis et pourquoi est-ce que je freine des quatre fers à cette idée de m’approcher de ce que l’on appelle le “3ème âge” (50–65 ans)? Et comment vais-je réagir, dans 10 ans, quand j’y serai réellement? C’est malheureusement un fait: la vieillesse est souvent stigmatisée dans notre société, et ceci a de grandes répercussions sur notre manière d’apprehender cette periode. Imaginez-vous, si vous étiez un enfant forcé d’aller à sa premiere journée d’école, et que tout le monde vous avait dit et redit pendant des années, que l’école était un endroit horrible où les profs maltraitaient les élèves, et où vous n’aviez ni le droit de boire, ni de manger: ne seriez-vous pas aussi en train de lutter de toutes vos forces pour ne pas y aller? Il n’y a aussi qu’à voir, et de plus en plus autour de nous, à quel point les gens sont prêts à tout- jusqu’à complètement se défigurer ou même porter atteinte à leur santé- pour ne pas vieillir ou du moins de pas en avoir l’air, pour comprendre à quel point la vieillesse est considérée comme une étape horrible dans la vie d’une personne. Pouvons-nous tous ensemble ré-imaginer la vieillesse comme une belle étape, sage, sereine et même joyeuse et excitante, dans la vie d’une personne? Après tout, n’est-ce pas à ce moment que nous prenons enfin une pause bien méritée, dans cette course effrénée “métro-boulot-dodo” que nous avons démarrée dans notre vingtaine, sans vraiment comprendre à cette époque dans quoi nous nous engagions? N’est-ce pas le moment de notre vie où nous avons enfin le temps de nous adonner à nos passions réelles, peinture, jardinage, lecture, qui avaient été mises de côté au profit de tellement d’autres choses “urgentes”, mais au fond peut-être pas si “importantes”? Enfin, ne dit-on pas aussi que devenir grand-parent est un des plus grands bonheurs de la vie? Munis de tous ces précieux petits bonheurs, il est grand temps de redessiner la vieillesse, non plus comme une étape affreuse, mais au contraire comme un moyen de grande joie, et de reconnection avec nos valeurs fondamentales et avec nos familles. Bien sûr, vous me direz, profiter de la vie, se reconnecter avec ses passions, bâtir des liens avec ses petits-enfants, cela peut marcher si le corps et l’esprit sont encore alertes, mais qu’en est-il des personnes qui, dès l’âge de la retraite, s’effondrent complètement, moralement et physiquement, et qui d’un seul coup, par manque de structure de support adéquate, se voient soudainement dans l’incapacité de jouir de leur vie de retraités comme ils l’en avaient rêvé?
A travers notre travail avec les personnes âgées, nous avons en effet chaque jour à faire face à de véritables drames humains, où certains (heureusement pas tous) se retrouvent du jour au lendemain, souvent pour des raisons de santé, forcés à quitter leur maison de famille et arrachés à tout ce qui auraient pu leur permettre de vieillir dans la joie: les souvenirs rattachés à la maison familiale, les visites bruyantes des petits enfants courant dans le jardin, leurs loisirs, ou encore leurs animaux de compagnie. En contrepartie, ces personnes finissent enfermées dans de petites chambres aseptisées, parfois dépourvues de toute âme, sans accès avec la nature, et du personnel soignant en blouse blanche, froid ou, pire, grincheux, qui leur fait bien ressentir qu’il ne leur reste plus qu’à “se taire et attendre”. Attendre la visite de la famille, l’heure du repas, ou le “check-up” de l’infirmière de garde. Mais attendre, ce n’est pas vraiment vivre, n’est-ce pas? Avec FAMILIA, nous avons voulu ré-inventer l’étape de la retraite, non pas comme un moment de grande peine, mais comme un moment de joie, où la personne âgée pourrait recevoir le support adéquat, pour continuer à vivre dans sa maison familiale, garder un maximum d’autonomie, mais surtout pour préserver sa dignité et, autant que possible, sa capacité à choisir comment elle souhaite vivre: ses activités et loisirs, ses visites, etc. Nous pensons qu’avec un environnement familier, et un encadrement adéquat, il est beaucoup plus facile à une personne âgée, même dans les cas extrêmes de maladie ou d’immobilisation, de garder le moral, et de continuer à voir le bon côté de la vie, avec bien sûr, le mental influence ainsi positivement sur la santé de la personne. Peut-on faire de la retraite de nos parents et grands parents une étape de grande joie, de projets et d’épanouissement personnel pour eux? Il ne tient qu’à nous d’arrêter de stigmatiser nos personnes âgées et d’aider à ré-écrire l’histoire pour eux, et pour nous aussi, par la suite…
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March 2022
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